« Une fille orientale complètement à l’occidentale. » Quelques mots qui résument sans doute parfaitement la contradiction talon aiguille qu’incarne la nouvelle reine du drag français tout au long de sa carrière dans l’émission « Drag Race France », Le Philippe a imposé une image. ADN balkanique. La recette est très simple. Une grande élégance est entrecoupée d’une ironie joyeuse. Et c’est sans doute là son plus grand talent. Au lendemain de son couronnement, une blonde hitchcockienne à la silhouette interminable et aux faux ongles et cils bien entretenus a du mal à se rendre compte du chemin parcouru au lendemain de son couronnement. « C’est mon nom que vous avez dit ? » a demandé avec hésitation la sublime créature à l’annonce des résultats à la télévision française, vendredi 19 juillet. Fausse humilité diront certains. Mais à y regarder de plus près sa moue apeurée le grand jour vite fait. exclut cette option. Je me suis exprimée ! », rit-elle.
Une reine décontractée mais humaine
Ces propos ont souvent été entendus par les jurés qui craignaient qu’il ne devienne trop confiant face à ses concurrents. Mais derrière son armure, Le Philippe cache les doutes qui le tourmentent depuis son entrée dans l’industrie, il y a plus d’une douzaine d’années. Mais désormais, elle est considérée comme faisant partie intégrante des nuits parisiennes. « C’était une façon d’affronter l’adversité de manière nonchalante, sans laisser transparaître mon anxiété. Ce n’était pas parce que je me sentais mieux que les autres, mais plutôt parce que je ne me sentais pas ‘assez bien' », nous a confié Like.
Pour quelqu’un qui rêvait de se faire un nom, la couronne a évidemment une grande signification. Inutile de dire que, presque sous nos yeux, Le Philippe s’est transformé en une icône, un exemple pour toute une communauté en mal de représentation. Elle refuse cependant de se laisser réduire à cette position. « S’il vous plaît, ne m’idéalisez pas. Je ne veux pas être exposée, c’est à ça que ressemblent les idoles ! », plaisante-t-elle. Entre-temps, elle venait de recevoir un message de Nicola di Felice, directeur artistique de la Maison Courrèges. Nicola Di Felice la respecte beaucoup, ainsi que de nombreuses autres maisons de couture dont elle s’inspire toujours pour ses looks impeccables. « Il disait que j’étais poétique », dit-elle avec un grand sourire.
La vraie nature de l’art du drag
Être choisie parmi tout le monde continue d’être sa vengeance. Le garçon croate né à Zagreb et qui passait la plupart de son temps à voler les vêtements de sa mère semble bien loin. Sa mère, étrangement peu féminine, refuse de porter des talons et devient désespérée. D’une certaine manière, il comprend que l’art du drag lui a permis de mieux embrasser son identité, qui se situe entre les deux genres. «Quand j’étais enfant, j’étais très efféminé. À l’adolescence, ma masculinité est devenue un gros problème. Quand j’ai commencé à laisser pousser mes cheveux, ma sueur sentait la testostérone.» Pour être honnête, tout cela m’a dégoûté. en contact avec l’élément masculin.»
« J’ai l’impression que les drogues ont calmé quelque chose en moi. »
Sa mère est inquiète car elle voit son enfant sombrer dans la dépression. A cette époque, elle a tout essayé. « Elle a consulté un médecin spécialisé dans les changements hormonaux. Mais en Croatie, cela nous était incompréhensible », a-t-elle ajouté. Le jeune Philip poursuit quelque temps le chemin de la transition, jusqu’à finalement abandonner, malgré le soutien constant de sa mère. L’art de la drogue finirait par devenir la solution à son malheur. Le Philippe est descendu pour la première fois dans la rue en travesti lors de la Journée de la Gay Pride en Croatie, à l’âge de 18 ans. Tout de suite, je suis très satisfait. « J’ai l’impression que le drag a calmé quelque chose en moi », conclut la drag queen, qui se définit comme « genderfluid ».
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La découverte de ce monde se fait d’abord sur Internet. « Un jour, j’ai découvert « Paris is Burning » sur YouTube, et des années plus tard, j’ai redécouvert RuPaul sur la même plateforme, en très mauvaise qualité. » La culture de la drogue n’était pas aussi connue qu’aujourd’hui. Jeune homme, Philippe vivait à France pendant plusieurs années tandis que sa mère, diplomate, déménageait. Lorsque Le Philippe revient en France à l’âge adulte, la capitale française devient sa maison. Le nom masculin qu’il a choisi pour la scène confirme son désir de fluidité. Le Philippe oscille entre masculinité et féminité. Parfois on se perd, alors on commence inconsciemment à dire « elle » puis « il », mais cela ne pose aucun problème.
Mélange de Jeanne Moreau et Pamela Anderson
Mélange de Jeanne Moreau et de Pamela Anderson, cette drag queen mercurielle est tout ce qu’est la bourgeoisie du 16ème arrondissement, et pourtant elle semble avoir soudainement atterri au milieu d’une nuit gay dans le Marais. Le panthéon de Le Philippe comprend à la fois l’actrice italienne Vilna Risi et la chanteuse Dalida, avec qui elle a chanté lors des compétitions. Côté humour, l’inspiration est très française. « J’ai appris le français en regardant ‘Advertisement’ d’Ellie Semoun et les sketchs de Florence Foresty », se souvient-elle. Sa mère était une grande cinéphile et lui faisait regarder de nombreux films de Jacques Tati et Jean Yannes. Un indice sur ce qui lui confère cette désinvolture qui est désormais devenue sa signature.
« Mon entourage est très clair sur les fêtes, les dépenses et la santé en général. »
Les origines du Philippe sont synonymes de démesure. Un épisode dans lequel la Reine s’est exprimée naturellement devant la caméra. L’occasion d’évoquer les problèmes d’addiction qu’elle a pu rencontrer par le passé. Dans le monde LGBTQIA+, des sujets tabous considérés comme sains à briser. « Je n’ai aucune honte à cela. Ce sont des choses dont je discute depuis des années. Mon entourage est très articulé sur la fête, la consommation et la santé en général. La drogue. Plus je suis devenu professionnel, plus j’ai réalisé que je Je ne pouvais pas espérer longévité dans ce métier aux conditions de vie insalubres. » Le vrai choc survient lorsqu’elle perd plusieurs amis d’affilée pour la même raison. J’étais tellement naïf que je ne pouvais pas imaginer que mes amis de 20 ans allaient mourir à cause de ça. En s’exprimant, Le Philippe espère souligner la solitude des personnes concernées. « C’est plutôt agréable d’aller au spa parfois », plaisante-t-elle.
Le pouvoir de l’humour pour vaincre la haine
Mais alors, quel est le message important à faire passer à ses nombreux fans qui la regardent comme modèle ? « Mon message est de rester absolument vous-même quelle que soit la situation, je voudrais vous dire de ne pas vous laisser intimider par la violence, la désinformation. et la haine… » En ces temps politiquement difficiles, les paroles de Le Philippe résonnent particulièrement justes à nos oreilles. Je dois dire qu’être un enfant homosexuel en Croatie n’a pas toujours été facile. La partie de sa vie dont la drag queen a le plus parlé dans la série revient aux attaques homophobes qu’elle a pu recevoir. Philippe est l’un des signataires d’une tribune écrite par un artiste travesti contre l’extrême droite et publiée ce samedi 20 juillet dans le journal Libération.
Pour Le Philippe, vivre dans la peur n’était pas une option. « Le rire est désarmant », affirme-t-elle. Elle avait 14 ans le jour où elle a compris le pouvoir de l’humour face à la haine. Un groupe de ses amis fait la fête dans un parc lorsqu’un groupe de skinheads fait irruption. « Ils nous ont encerclés. Le chef du troupeau m’a demandé : ‘Es-tu une fille ou un garçon ?’ » Selon lui, c’est définitivement la phrase qui est revenue le plus dans sa vie. Dans un moment de folie, l’adolescent répond avec des blagues scolaires, ce qui agace l’interlocuteur. Il est respecté. Le rire lui a sauvé la vie et il ne l’oubliera jamais. C’est certainement la plus grande leçon que Le Philippe veut transmettre… toujours rire aux éclats face à la haine.