Bernard Pivot, auteur et animateur de télévision culturelle, est décédé lundi 6 mai à l’âge de 89 ans.
La légende littéraire est décédée lundi. Bernard Pivot, décédé des suites d’un cancer à l’âge de 89 ans, a marqué de son empreinte le monde de l’audiovisuel français avec ses émissions de télévision. Par exemple, Apostrophe a duré 15 ans, de 1975 à 1990, et aucune autre émission télévisée n’a eu autant d’influence.
Le 11 avril 1975, Bernard Pivot remporte Soljenitsyne pour L’Archipel du Goulag. Et ce fut un tournant pour les intellectuels français. C’est le jour où nous avons découvert le monde des goulags soviétiques. A partir de ce jour, les communistes français ne pouvaient plus dire qu’ils ne savaient pas.
Un mois plus tard, Pivot accueille un autre auteur russe, Nabokov, l’auteur de Lolita, qui fait semblant de boire du thé mais se fait en réalité servir du whisky et sort de l’interview complètement ivre.
En 1978, l’auteur américain Charles Bukowski surprend et insulte tout le monde en quittant la scène. Il a aussi trop bu.
L’échange musclé entre Serge Gainsbourg et Guy Béhar restera également dans l’histoire. Gainsbourg considère le chant comme un art mineur. Béard va-t-il lui répondre ? « Mais alors qu’est-ce que je fais ici ? »
On se souvient aussi des actes charmants de Jean d’Ormesson et de Bernard-Henri Lévy, un jeune philosophe méconnu en chemise grande ouverte. Ou encore l’une des dernières émissions dont Bernard Pivot était sans doute le moins fier. Gabriel Matzneff se vantait de conquérir les jeunes filles et garçons sans aucune interférence. Jusqu’à ce que l’auteur canadien Denis Bombardier ose enfin prendre la parole et se dire choqué. Mais cette nuit-là, elle était très seule.
François Mitterrand était également un visiteur fréquent de Pivot. Même trois fois. Il a accordé à Bernard Pivot sa dernière interview en tant que président. Il est également apparu lors de la première émission en 1975. Bernard Pivot le trouvait « éblouissant ». Il a parlé pendant 10 minutes du « désert tatare ». C’était immédiatement après sa défaite face à Valéry Giscard d’Estaing, et Bernard Pivot pensait qu’il aurait pu gagner s’il avait créé ce programme avant l’élection.
Malheureusement, nous ne pourrons plus revoir ce brillant spectacle de François Mitterrand. Cela n’a pas été enregistré. Quelqu’un a oublié d’appuyer sur REC…
Nicolas Poincaré (éditeur JA)