L’inaction de l’État français sur les questions climatiques est régulièrement critiquée par de nombreux observateurs. Les militants écologistes et les membres des institutions qui évaluent les progrès dans ce domaine soulignent la contradiction entre les discours du pouvoir et la réalité des politiques publiques, qui répondent rarement aux défis qui se posent.
Cette attitude critique est essentielle pour poser un diagnostic sans compromis de la situation, en regardant l’aspect de la nation « de l’intérieur », en observant la structure des décisions stratégiques et conventionnelles et ce qu’elles sont. Elle gagnerait à être complétée par des éléments complémentaires. analyse avec cet aspect. Parlez-nous de sa capacité à conduire des projets qui répondent à des défis. En effet, cette tendance est également un problème bureaucratique et la capacité du gouvernement à la « défendre » au sein de la nation est remise en question. C’est notamment le sujet d’un article que nous avons récemment publié dans la Presse des Mines de Paris.
Graham Allison, théoricien de la « politique bureaucratique ». domaine public
Aussi urgente soit-elle, cette cause ne bénéficie pas vraiment du soutien « naturel » de tous les ministères. Il s’agit d’un champ fragmenté de logiques souvent contradictoires qui donne lieu à des conflits territoriaux et à des luttes de pouvoir, que le politologue de Harvard Graham Allison a conceptualisé sous le terme de « bureaucratie » dans son étude sur la crise des missiles de Cuba. En observant ces luttes de pouvoir apparues lors de l’élaboration de la dernière Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), on perçoit une autre dimension de l’(in)action de l’État : rendre la question climatique présente dans le champ politico-administratif capable d’identifier la difficulté de le faire. espace.
Agir sans réelle influence juridique et financière
Cette incompétence est avant tout bénéfique. La SNBC bénéficie d’un statut juridique, ce qui en fait un outil à portée limitée. Il a été conçu au moment de la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, qui a largement supprimé les contenus trop prescriptifs. Seuls les gouvernements des États et locaux sont concernés ; les entreprises et les citoyens ne sont pas tenus de respecter les directives.
De plus, son degré de normativité est très relatif. Des termes tels que « envisager » ou « compatibilité » sont utilisés plus bas dans la hiérarchie des normes que « se conformer » et autorisent un degré limité de contrainte pour permettre des jeux d’interprétation.
De plus, si la SNBC soutient légalement les références aux budgets carbone, les États ne peuvent pas l’utiliser pour faire des budgets carbone un véritable instrument de contrôle. La loi précise que la répartition par secteur (transports, agriculture, logement, industrie, etc.) constitue l’indicateur. De plus, le contrôle des quotas attribués n’est pas contraignant.
Parce que la SNBC a une portée normative limitée, elle l’est également en matière financière. Les leviers budgétaires et économiques sont toujours contrôlés par les administrations départementales. La taxe carbone en particulier est un outil sur lequel s’appuie le Trésor, mais elle est en grande partie constituée par le Trésor, et ses produits ne sont que partiellement orientés vers le soutien aux mesures préconisées par la SNBC. Cela a notamment été montré dans l’épisode des « Gilets jaunes ». Ce faisant, la SNBC devient un instrument sans moyen d’action dédié.
négocier à partir d’une position de faiblesse
En outre, les régimes responsables de l’élaboration des stratégies de lutte contre le changement climatique occupent une position structurellement périphérique au sein de l’État. Contrairement à d’autres pays qui ont choisi de le placer sous la responsabilité directe des affaires du Premier ministre, il est localisé au sein du ministère de l’Environnement et de la Transition et occupe une position périphérique. Tout d’abord, en termes de statut, la SNBC 2 n’était à l’époque qu’un simple service (elle est depuis intégrée à la Direction générale de l’énergie et du climat, mais elle manque encore d’un grand prestige). Également en termes de ressources humaines et d’expertise.
Le choix du ministère s’explique par son souci de mieux lier climat et énergie (qui représentent 80 % des émissions de gaz à effet de serre). Elle a néanmoins pour effet de priver le gouvernement d’un leadership interministériel et de l’obliger à traiter en position de force avec les administrations départementales.
Dans l’agriculture, domaine hors du champ de l’écologie, la fixation des objectifs en matière de changement climatique a en effet été déléguée au ministère éponyme pour éviter les risques d’interférence avec le processus. Dans d’autres domaines gérés au sein de l’écologie ou conjointement avec l’écologie, la collaboration n’est pas facile car les administrations publiques sont très prudentes dans la prise d’engagements. Ils sont conscients de l’impact potentiel d’une politique publique perçue comme négative sur « le peuple ». Nous savons que la SNBC n’offre aucune garantie de soutien, et elle utilise cette légitimité soit pour minimiser les efforts requis, soit pour trouver l’arbitrage interministériel non contraignant.
Dans ce contexte, l’administration responsable de la stratégie sur le changement climatique doit rechercher des alliés et des solutions pour fixer des objectifs crédibles et les décliner par secteur. Le recours privilégié par la France à l’électrification intensive évite une confusion bureaucratique excessive, mais l’industrie nucléaire y voit une opportunité de regagner sa légitimité.
Faites connaître votre présence à ceux qui sont au pouvoir
Ce régime a de plus en plus de mal à influencer la sphère bureaucratique, car il ne dispose pas d’un accès facile au sommet de l’État, gage d’un soutien politique potentiel. Contrairement au Plan pluriannuel de l’énergie (PPE), qui s’inscrit également dans la stratégie climatique, la SNBC émise en 2020 a déclenché un arbitrage rare à ce niveau. Les fonctions officielles du Premier ministre ne suivaient pas de près les évolutions et montraient peu d’intérêt pour des documents jugés trop lointains et à faible portée normative. Leurs priorités étaient ailleurs, cherchant des solutions aux problèmes et conflits à court terme qui animeraient leur vie quotidienne.
Cet accès limité est, en partie, le résultat des choix institutionnels susmentionnés visant à rendre « invisibles » les conflits sur l’orientation climatique à ce niveau. Celles-ci peuvent être déléguées à des ministères spécifiques ou traitées au sein des ministères, mais dans la plupart des cas elles sont « résolues » en amont, éliminant la possibilité de solliciter un arbitrage auprès de l’administration en charge de la SNBC. Celles-ci sont plus difficiles à obtenir car, contrairement aux autres, elles ne disposent pas de réseaux interpersonnels suffisamment solides pour relayer les demandes.
Même si cela ne résout pas tout, la création récente d’un Secrétariat général à la planification environnementale au sein du cabinet du Premier ministre pour assurer une meilleure coordination interinstitutionnelle sur les questions climatiques atténue en partie ce problème d’accès. Il n’est toutefois pas certain que cette structure interministérielle soit durable.
Pour améliorer votre capacité d’action ?
Les difficultés que nous venons de décrire rappellent d’anciens débats, classiques de la science politique, sur la manière de « résoudre » les problèmes globaux et transversaux de la sphère bureaucratique, comme l’environnement et le développement durable. Ils apparaissent à la fois comme une conséquence et une cause du manque d’autonomie des États en matière climatique.
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En effet, ces résultats démontrent, au mieux, la réticence des gouvernants à faire de ce nouvel impératif une composante des politiques publiques, compte tenu des craintes et des difficultés rencontrées dans la transformation d’un modèle social où les intérêts se croisent. résistance et indique souvent une hésitation. Des solutions doivent être trouvées à d’autres échelles, y compris au sein de l’Union européenne.
Elles contribuent également à l’inertie, car ces difficultés ne font qu’entraver la cohérence et l’ambition des interventions publiques à un moment où des efforts de mobilisation collective sans précédent sont nécessaires.
Les gouvernements en charge du changement climatique peuvent-ils disposer d’un plus grand pouvoir pour mobiliser l’État et, à travers l’État, la société dans son ensemble ? Des outils de recherche pour lutter contre l’inaction climatique…