L’institut hospitalo-universitaire exclusivement dédié au vieillissement ouvre ses portes dans la métropole toulousaine. Projets, piliers, enjeux, l’IHU Health Age dévoile ses cartes pour permettre de répondre aux enjeux de la transition démographique. Ces enjeux médicaux passent par : une meilleure prévention et prise en charge des maladies liées à l’âge, le développement de nouveaux médicaments, l’accompagnement des personnes âgées et le déploiement d’infrastructures adaptées.
IHU Health Age : un IHU uniquement dédié au vieillissement
Le consortium toulousain HealthAge, labellisé Institut Hospitalo-Universitaire en 2023 est le seul IHU en France exclusivement dédié au vieillissement. Face aux enjeux majeurs que représente le vieillissement de la population, HealthAge déploie un continuum de recherche translationnelle.
Il s’agit d’améliorer la compréhension des phénomènes du vieillissement et des pathologies associées, d’imaginer des solutions pour une meilleure prise en charge à grande échelle et un accompagnement vers le bien-vieillir.
Porté par le CHU de Toulouse, l’Inserm et l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, HealthAge capitalise sur plus de 20 ans d’expérience et d’excellence au sein du Gérontopôle de Toulouse et s’appuie sur un réseau de partenaires et de compétences locales et internationales.
Annoncé par le Président de la République le 12 octobre 2021, France 2030 mobilise au total 54 milliards d’euros pour transformer durablement des secteurs clefs de notre économie par l’innovation technologique et l’industrialisation, et positionner la France non pas seulement en acteur, mais bien en leader du monde de demain. 10 objectifs sociétaux ont été fixés et s’articulent autour de trois enjeux majeurs : mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre notre monde.
L’amélioration de la qualité de vie et l’approfondissement de nos connaissances figurent parmi les ambitions premières que porte ce programme qui vise à trouver une réponse aux défis écologiques, démographiques, économiques, industriels et sociaux d’un monde en perpétuelle évolution.
En matière de santé, ce programme se déploie dans un écosystème favorable et de segments de niche qui caractérisent les potentiels de la région Occitanie. Le CHU de Toulouse et ses partenaires s’ancrent pleinement dans cette démarche et le lancement de l’institut hospitalo universitaire pour le vieillissement en bonne santé, consacré à la géroscience et à la longévité en bonne santé, augure le meilleur pour la région et son rayonnement national et international.
Pierre-André Durand, Préfet de la région Occitanie, préfet de Haute-Garonne
Le vieillissement de la population
Un phénomène inédit :
1 milliard de personnes de plus de 60 ans le monde en 2020 et 2.1 milliards en 2050
En moyenne, un être humain vivra 30 % de sa vie après 60 ans
En France, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans est de 12,6 ans pour les femmes et 11,3 ans pour les hommes, en 2021 (source DRESS)
Un nécessaire triple changement de paradigme
Du diagnostic tardif (maladies liées à l’âge) au préventif (préserver les fonctions et lutter contre la dépendance)
De l’augmentation de l’espérance de vie (85,8 ans pour les femmes et 80,3 pour les hommes en France) à la notion de bien-vieillir (en conservant ses capacités et son autonomie)
De l’âge chronologique à l’âge biologique : grâce à la recherche, mesurer le vieillissement
biologiquement pour mieux comprendre la perte des fonctions avec l’âge, la survenue des
pathologies, et favoriser le vieillir en bonne santé.
Comment ? En développant des thérapeutiques qui ralentiront les pathologies liées au vieillissement.
Du vieillissement des populations à l’IHU HealthAge
Baptisé HealthAge, l’Institut Hospitalo-Universitaire toulousain sur « la Prévention, le Vieillissement en Santé et la Géroscience », il a pour ambition de contribuer au vieillissement en bonne santé des populations et de renforcer l’excellence du site toulousain comme centre de référence en Europe et dans le monde en Géroscience.
Nous allons vivre en moyenne 30 % de notre vie après 60 ans. Les sociétés n’ont jamais été confrontées à ce phénomène. Mais cela ne doit pas être vu comme un problème mais une chance. A condition d’éviter la dépendance car le vieillissement est une sorte d’escalier : en haut, on est robuste et en bas, on est fragile.
Notre mission est d’aider à repérer quand on descend une marche et ensuite de développer les connaissances, les traitements et les outils pour prévenir et accompagner, à grande échelle, la perte de fonctions. La Géroscience est une discipline encore émergente mais en plein essor, qui va nous permettre, notamment, de mieux appréhender la notion d’âge biologique qui est différent de l’âge chronologique.
L’IHU s’appuie sur un extraordinaire vivier d’expertises locales et sur un réseau de partenaires et de collaborations, et va poursuivre les travaux déjà réalisés au sein du Gérontopôle avec ICOPE et Inspire. Seul IHU dédié au vieillissement en France, HealthAge se positionne comme un accélérateur du continuum recherche – soin – prévention dans une démarche de science ouverte pour faciliter la recherche mondiale sur cette thématique majeure. Avec une ambition : celle du bien-vieillir pour tous. Un bien-vieillir qui ne se limite pas à l’absence de maladie mais qui vise le maintien des fonctions pour que chacun puisse continuer à faire ce qui est important pour lui.
Pr Bruno Vellas, Président fondateur de l’IHU HealthAge
Vieillissement et Géroscience : état des lieux
Un monde vieillissant
Selon l’ONU, les personnes âgées de 65 ans et plus représentaient 9.6 % de la population mondiale en 2021 avec de fortes disparités selon les continents et une proportion beaucoup plus importante dans les pays développés (près de 20 % en Europe et 17 % en Amérique du Nord).
L’augmentation rapide de la proportion de seniors et cette inversion de la pyramide des âges posent de nombreux défis, médicaux, humains, économiques, sociétaux, à l’échelle planétaire. Malgré les progrès médicaux des dernières décennies, cette inversion inédite de la pyramide des âges et l’augmentation du poids des pathologies liées à l’âge et à la dépendance font évoluer la notion d’espérance de vie vers celle d’une longévité en bonne santé.
A consulter également : La France des seniors : Quelle place des personnes âgées dans notre société ?
Une mobilisation internationale pour le mieux-vieillir
En 2023, l’Académie nationale de médecine des États-Unis a défini sa feuille de route mondiale pour une longévité en bonne santé comme une priorité sociétale. Lancé en 2019 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le programme ICOPE (Integrated Care for Older People) propose un dépistage du déclin lié à l’âge, en évaluant le maintien des six fonctions essentielles (locomotion, état nutritionnel, santé mentale, cognition, audition et vision) pour repérer les fragilités et assurer un suivi et un accompagnement des personnes à risque.
La France, qui avait lancé dès 2015 un Plan national d’action de prévention de la perte d’autonomie et différents plans d’actions autour du bien-vieillir, expérimente le programme ICOPE depuis 2020. Le Gérontopôle de Toulouse, centre collaborateur de l’OMS depuis 2017, en est un des fers de lance au niveau régional.
L’avènement des gérosciences, une approche systémique du vieillissement
Du grec « gérontos» qui signifie vieillard ou personne âgée, la Géroscience propose d’agir sur le vieillissement biologique, principal facteur de risque des maladies chroniques liées à l’âge (démence, diabète, cancer, maladies cardiaques) et du déclin fonctionnel. Elle adopte une vision systémique et préventive du vieillissement centrée sur le maintien des capacités. La médecine géroscientifique doit donc cibler la biologie du vieillissement et proposer une prise en charge, idéalement préventive et dans tous les cas globale, centrée sur la personne et le déclin fonctionnel plutôt que sur une maladie.
Une école toulousaine du vieillissement
Dès 2007, Toulouse accueillait le premier Gérontopôle de France, sous l’impulsion du Pr Bruno Vellas, chef de service du département de médecine interne et de gériatrie du CHU de Toulouse. Choisie parce qu’elle concentrait un vivier de compétences et présentait une forte activité de soin et de recherche sur le vieillissement, Toulouse allait devenir un épicentre de la recherche sur la maladie d’Alzheimer et au-delà un centre pionnier dans la prise en charge du vieillissement et le dépistage de la fragilité liée à l’âge.
L’école toulousaine du vieillissement, dont sont issues de nombreuses publications scientifiques remarquées et des avancées médicales remarquables, était née. Devenu centre collaborateur de l’OMS en 2017, le Gérontopôle de Toulouse aura été pionnier dans le déploiement du programme ICOPE qui vise à surveiller le maintien des fonctions essentielles chez les personnes âgées et à dépister la fragilité et la perte d’autonomie.
Fin 2022, une étude-pilote publiée dans The Lancet Longevity a démontré la faisabilité et la pertinence de ce suivi sur la plus grande cohorte européenne.
Cette cohorte s’intègre dans l’ambitieux programme de recherche toulousain, INSPIRE, lancé en 2019 et dédié à la biologie du vieillissement.
En 2023, Toulouse obtient le label IHU et le situe comme un acteur majeur de la Géroscience et de la Géromédecine. L’IHU HealthAge devient ainsi un institut de recherche translationnelle de premier plan en Europe dédié à la prévention du vieillissement, à la longévité en bonne santé et à la Géroscience. Il positionne la France à la pointe de l’innovation et de la prise en charge pour lutter contre le vieillissement, renforcer les fonctions physiques et cognitives et prolonger ainsi l’espérance de vie en bonne santé.
Le programme de travail Health Age : les piliers et grands axes de travail HealthAge
Mettant en œuvre l’approche novatrice de la Géroscience, l’IHU HealthAge déploie un plan d’action autour de trois étapes clefs. Le point avec le Pr Bruno Vellas.
Repérer la perte de fonctions et détecter la fragilité
La première étape consiste à évaluer, à l’aide de tests simples, le maintien des six fonctions essentielles que sont la locomotion, l’état nutritionnel, la santé mentale, la cognition, l’audition et la vision. « Il s’agit ici de repérer quand une personne âgée commence à descendre une marche et à remédier ou atténuer la perte de fonction » précise le Pr Bruno Vellas.
Implémenter et prévenir à grande échelle
« La deuxième étape consiste à déployer à grande échelle le programme ICOPE pour avoir une action massive de prévention. Nous avons déjà commencé au travers de nos cohortes mais aussi du développement de scores et outils digitaux facilitant la mise en œuvre du programme ICOPE » poursuit le président de l’IHU qui a mis en place et suit une cohorte de plus de 50000 seniors.
Comprendre et intervenir sur le processus biologique du vieillissement
« Comprendre la biologie du vieillissement va nous permettre de pouvoir mesurer le vieillissement et donc définir l’âge biologique et mieux appréhender les pathologies du vieillissement. Nous avons ainsi observé chez la souris âgée, que si on détruit les cellules sénescentes dans le pancréas, elle ne développe plus de diabète lié à l’âge. Cette meilleure compréhension des mécanismes moléculaires et biologiques nous permettra ensuite de développer des médicaments » conclut le Pr Bruno Vellas.
Health Age : une ambition et 7 projets phares interconnectés
Avec l’ambition de devenir l’un des plus grands centres de recherche translationnelle sur la Prévention, le Vieillissement en Santé et la Géroscience, en Europe et dans le monde, HealthAge articule ses travaux autour de sept grands projets :
Une plateforme de recherche translationnelle pour comprendre les mécanismes de la biologie du vieillissement et proposer des solutions et thérapies pour préserver les fonctions. Cette plateforme s’appuie sur l’expérience et les résultats du projet INSPIRE
Une plateforme de recherche clinique en Géroscience pour mener des essais cliniques en partenariat avec des industriels et ouvrir la voie au développement de nouveaux traitements ciblant la biologie du vieillissement. Quatre essais sont d’ores et déjà programmés : Essai préclinique Inhibiteurs IF1 de la mitochondrie / Essai préclinique Activateur des récepteurs MAS / Essai clinique Agonistes des récepteurs de l’Apeline / Essai clinique Inhibiteurs de mTor ciblant le système immunitaire.
Des programmes d’essais de prévention pour tester la faisabilité et l’intérêt des interventions. Un premier grand essai randomisé contrôlé auprès de 1000 sujets pendant trois ans sera mis en place autour d’ICOPE avec l’objectif de définir les conditions de transfert vers une pratique clinique sur le territoire et une étude d’intervention sera menée pour valider des biomarqueurs du vieillissement.
Une cohorte humaine pour définir les trajectoires du déclin fonctionnel. La cohorte INSPIRE, lancée depuis 2019, comprend plus de 1000 individus âgés de 20 à 100 ans suivis sur 10 ans. L’objectif est d’établir le lien entre les mesures digitales d’ICOPE et le dysfonctionnement d’organes liés à l’avance en âge et à la biologie du vieillissement.
Un programme en sciences économiques : L’objectif est d’évaluer les retombées socio-économiques d’une médecine basée sur les fonctions en combinant les résultats de l’essai de prévention, les données des cohortes humaines et les données de l’Assurance Maladie.
Un programme d’éducation autour de la Géroscience : HealthAge a vocation à s’impliquer dans la formation et l’éducation à la Géroscience et au vieillissement en santé. Ces actions de formation concerneront les professionnels de santé, au niveau national (fédération des Gérontopôles) et international (incubateur de futurs leaders), mais aussi le grand public et en particulier les seniors.
Une plateforme de science ouverte : dans une démarche de partage de la science, HealthAge mettra les données des cohortes à disposition de la communauté scientifique avec l’objectif de faciliter la diffusion des connaissances en Géroscience et de développer des partenariats entre les équipes de l’IHU et les principales équipes internationales.
HealthAge : les premières avancées
Sur le plan scientifique, l’IHU a organisé un séminaire interne dès janvier pour poser les premiers jalons de l’année 2024. Les premières innovations autour de la biologie du vieillissement permettant de mesurer l’âge biologique versus l’âge civil sont en cours. Un important article a été publié fin 2023 dans Nature Ageing présentant un critère inédit d’évaluation du bien-vieillir : ce score permet de suivre l’évolution de santé des seniors dans l’esprit de la courbe de croissance des enfants.
Egalement, un biomarqueur sanguin est actuellement en développement pour détecter précocement les personnes à risque de développer une maladie d’Alzheimer.Enfin des accords de collaborations se mettent en place pour permettre aux industriels de s’appuyer sur la plateforme d’essais cliniques de l’IHU. Cela leur permettra à terme de tester et de développer de nouveaux médicaments.
D’un point de vue structurel, HealthAge s’est doté d’un Conseil Scientifique composé d’éminents spécialistes de renommée internationale et présidé par le Pr Luigi Ferruci, directeur de l’Institut national du vieillissement aux États-Unis. Un réseau d’Ambassadeurs HealthAge a aussi été constitué et il contribuera à faire connaître les enjeux liés au vieillissement et les ambitions portées par l’IHU.
Objectifs, impact et prochaines étapes
Impact sur l’individu
Au niveau de la population, HealthAge va étendre le programme ICOPE de l’OMS au niveau national et le promouvoir comme modèle au niveau européen. Le programme a en effet été implémenté localement avec succès en partenariat avec la région Occitanie : plus de 50 000 adultes âgés de 60 ans et plus de 5 000 professionnels de santé ont été formés au concept de suivi ICOPE, qui permet un auto-contrôle et un renforcement des six fonctions essentielles (mobilité, cognition, santé mentale, vision, audition et nutrition/vitalité).
Impact pour la société et les futures politiques de santé
Pour accompagner les décisions en matière de politique de santé, HealthAge va lancer un essai clinique à grande échelle pour évaluer la faisabilité, l’efficacité clinique et le rapport coût-efficacité d’une étude interventionnelle ICOPE sur 1 000 personnes de 70 ans et + vivant à domicile. L’essai sera lancé en 2024 pour trois ans. L’étude analysera aussi, en collaboration avec la Toulouse School of Economics, l’intérêt socio-économique de l’approche ICOPE pour mesurer le rôle des personnes âgées dans les sociétés vieillissantes contemporaines.
Applications cliniques et Innovation
Sur le plan de l’innovation, HealthAge travaille à la découverte et au développement de biomarqueurs et de nouvelles voies thérapeutiques contribuant à assurer le maintien des fonctions essentielles. La recherche fondamentale menée sous l’égide de HealthAge s’intéresse à différents mécanismes clefs du vieillissement biologique notamment les fonctions immunitaires ou mitochondriale, la répartition des graisses, le vieillissement des lymphocytes T, la sécrétion d’apeline liée à l’activité physique…
HealthAge s’appuie pour se faire sur une équipe de recherche fondamentale et sur une plateforme technologique performante avec trois cohortes multi-espèces (souris, poisson, homme). Une biobanque est également utilisée pour définir de nouveaux biomarqueurs moléculaires, notamment avec l’aide de modèles d’Intelligence Artificielle. HealthAge promeut notamment le concept d’horloge biologique qui pourrait déterminer l’âge biologique mais aussi métabolique et immunologique d’un individu en fonction de son état physique et cognitif, sur la base d’une simple prise de sang.
Rayonnement et collaborations
En termes de rayonnement et de collaboration, HealthAge travaille notamment avec les autres IHU français et s’appuie sur un réseau de collaborations historiques ou récentes avec les experts internationaux en gérosciences. Un partenariat fort a ainsi été noué entre HealthAge et le US Buck Institute qui vont candidater conjointement au Xprize*.
Cet article a été publié par la Rédaction le
2 avril 2024