Fatou Bensouda, ancienne procureure de la Cour pénale internationale, août 2018, La Haye, Pays-Bas. BAS CZERWINSKI/AP
Pressions, écoutes téléphoniques, intimidations, voire intimidations physiques : pour éviter que ses dirigeants ne soient la cible de la Cour pénale internationale (CPI), Israël a passé la dernière décennie à utiliser exactement les mêmes tactiques contre cette institution que nous avons menée. C’est ce que révèle une enquête du quotidien britannique The Guardian et du site d’information israélien +972 publiée mardi 28 mai, dont Le Monde a recoupé ses principales conclusions avec ses propres sources. Une réponse du bureau du Premier ministre israélien au quotidien britannique a qualifié ces allégations de « fausses et sans fondement ».
Il est peu probable que ces actions secrètes dissuadent les tribunaux d’enquêter sur le conflit en cours à Gaza, même si elles ont probablement retardé l’action des magistrats qui répriment les crimes commis par Israël dans les territoires occupés depuis 2015. Cela n’a pas fonctionné. Le 20 mai, le procureur Karim Khan a demandé à un juge d’émettre des mandats d’arrêt contre le premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Des mesures similaires étaient nécessaires pour trois dirigeants du Hamas, dont Yahya Shinuar, le cerveau derrière l’attaque du 7 octobre 2023, pour les mêmes raisons.
Mais jusqu’au dernier moment, Israël a tenté de dissuader Karim Khan par tous les moyens, « y compris par des menaces personnelles », ont indiqué des responsables du tribunal. En réponse à ces manœuvres, les procureurs ont publié début mai une déclaration de protestation inhabituelle, dans laquelle ils ont rappelé que l’entrave au travail de la CPI est passible de cinq ans de prison. « Nous ne sommes pas surpris par ce qui se passe », poursuit la source interne. C’est la méthode déjà utilisée par Fatou Bensouda [procureure de 2012 à 2021]. Elle a reçu toutes sortes de menaces, y compris des menaces physiques. Les gens venaient autour de sa maison et prenaient des photos. »
A LIRE AUSSI | Articles pour abonnés Yahya Shinuar, l’insaisissable leader du Hamas
ajouter à la sélection
Depuis la première visite de l’Autorité palestinienne au tribunal en 2009, les dirigeants politiques et militaires israéliens s’inquiètent d’éventuelles poursuites. Lorsque la Palestine a accédé à la CPI en avril 2015, l’État juif a mis en œuvre une stratégie nationale visant à neutraliser le risque de poursuites contre ses dirigeants et ses soldats. L’opération a été « dirigée personnellement » par Yossi Cohen, chef du Mossad de 2016 à 2021 et proche confident du Premier ministre Benjamin Netanyahu, précise le quotidien britannique. M. Cohen n’a pas répondu aux questions des journalistes.
Il reste encore 66,95% à cet article. Le reste est réservé aux abonnés.