Les organes de gestion des élections sont des institutions démocratiques essentielles. Pour garantir le bon fonctionnement des sondages d’opinion nationaux, ils doivent être dotés de ressources adéquates, impartiaux, indépendants du gouvernement et exempts de toute ingérence malveillante.
Créés dans les années 1990, les organismes électoraux indépendants ont joué un rôle précoce et crucial dans l’enracinement des valeurs démocratiques à travers l’Afrique. Ces institutions ont supervisé des élections multipartites successives alors que de nombreux pays renforçaient les droits et libertés et renforçaient l’État de droit. Même si leurs performances ont pu être inégales, les élections sont devenues une pratique courante et un moyen essentiel de légitimer le pouvoir politique.
Toutefois, faire progresser et consolider les progrès démocratiques sur le continent s’est révélé plus difficile.
Depuis le milieu des années 2000, les obstacles se sont encore intensifiés. Le concept de « recul démocratique » fait référence à l’affaiblissement des institutions, des droits et des pratiques démocratiques par les gouvernements élus. Les instituts qui mesurent la démocratie ont noté une baisse de plusieurs indicateurs de démocratie en Afrique et dans le monde.
M. Attahiru M. Jega, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante du Nigeria, et moi-même avons entrepris d’évaluer l’impact du recul démocratique sur les institutions électorales en Afrique. En tant qu’universitaires spécialisés dans la gestion électorale et l’assistance électorale internationale, nous pensons que cette question est essentielle pour comprendre le contexte dans lequel les institutions électorales opèrent. Il est également essentiel de développer des stratégies pour le renforcer.
Nous avons constaté que les institutions électorales africaines sont aujourd’hui confrontées à des défis complexes qui ne sont pas simplement le résultat d’un recul démocratique. Accroître leur efficacité nécessite donc une approche plus large visant à préserver leur indépendance, à renforcer leurs capacités et à encourager toutes les parties prenantes à soutenir leur travail.
l’étude
Notre recherche a examiné la performance des organes électoraux dans 48 pays africains de 2012 à 2022. Cette recherche est incluse dans l’ensemble de données sur les perceptions de l’intégrité électorale (Î.-P.-É.) créé par l’Integrity Project Elections. Ce groupe de réflexion universitaire mondial, basé dans des universités du Canada et du Royaume-Uni, évalue la qualité des élections organisées partout dans le monde.
Lire la suite : Le corps électoral sud-africain fait du bon travail depuis 30 ans : voici pourquoi
Nous avons également analysé les données sur l’autonomie des institutions électorales du projet Varieties of Democracy (V-Dem). Le projet est mené par un institut de recherche indépendant de l’Université de Göteborg en Suède. L’autonomie des organismes électoraux est une mesure plus étroite que celles de l’ensemble de données sur les perceptions de l’intégrité électorale. Toutefois, il fournit des informations plus détaillées sur ce qui s’est passé dans 51 pays africains depuis 2006.
Enfin, nous utilisons des études de cas du Ghana et de la Zambie pour explorer les facteurs qui influencent l’autonomie des institutions électorales.
Si le recul démocratique affectait directement les institutions électorales, nous nous attendrions à ce que les données aient une tendance à la baisse. Les données révèlent plutôt de grandes variations dans les performances et l’autonomie des organes à travers l’Afrique. Nos études de cas montrent que les organisations sont confrontées à de nombreux défis qui ne peuvent être expliqués par le seul recul démocratique.
La diversité, pas le déclin
Les données sur l’intégrité des élections (Figure 1) révèlent une surprenante diversité de performances. Cela reflète un schéma général de différences dans la qualité électorale plutôt qu’un déclin institutionnel associé au recul démocratique.
L’indice du bureau électoral du PEV, EMB Score, couvre uniquement les élections africaines de 2012 à 2022. Les auteurs utilisent l’intégrité électorale perçue (PEI-9.0) comme base. Publié initialement dans le Journal sud-africain des affaires internationales. DOI10.1080/10220461.2023.2274852
Les données de V-Dem sur l’autonomie confirment une grande diversité dans l’expérience des institutions électorales à travers l’Afrique. Entre 2006 et 2022, à peu près le même nombre de pays ont connu des baisses et des améliorations nettes. Le chemin n’était pas non plus toujours une ligne droite. Dans de nombreux cas, l’autonomie des organes électoraux a fluctué sur une période de 16 ans. Cela suggère que l’autonomie doit être constamment cultivée.
Huit pays ont enregistré de fortes baisses entre 2021 et 2022. Cela pourrait être lié à la pandémie de COVID-19, qui a donné aux gouvernements la possibilité de restreindre les droits démocratiques.
Limites de l’autonomie
De nombreux exemples d’amélioration soutiennent l’argument selon lequel le recul démocratique en Afrique n’est pas une tendance inexorable. Cependant, alors que la moitié des corps électoraux connaissent un déclin de leur autonomie, il n’y a aucune raison de se reposer sur leurs lauriers.
Pour étudier les causes possibles de cette régression, nous nous sommes concentrés sur la Zambie et le Ghana. Ces pays ont un historique d’élections pacifiques. Depuis les années 1990, l’autonomie des institutions électorales a diminué au cours de la dernière décennie (figure 2), même si nous avons également connu des changements de pouvoir entre les partis politiques.
Figure 2 Trajectoire de l’autonomie des organismes de gestion électorale au Ghana et en Zambie 2006-2022. Basé sur les données V-Dem v13 DOI 10.23696/vdemds23
La Zambie aurait connu un « déclin démocratique clair et visible » sous le règne du parti au pouvoir, le Front patriotique, de 2011 à 2021.
Les rapports des observateurs électoraux nationaux et internationaux indiquent que ce revers a clairement affaibli la Commission électorale zambienne pour les élections de 2016 et 2021, et que les partis d’opposition et la société civile sont insatisfaits de la Commission électorale.
Lire la suite : Basil Diomai Fay : du finaliste des prisons à président du Sénégal
Néanmoins, la Commission européenne a organisé en 2021 des élections suffisamment crédibles pour permettre une passation pacifique du pouvoir. Il s’avère également que la mainmise du Front patriotique sur le pouvoir a tendance à exacerber les problèmes de longue date plutôt qu’à en créer de nouveaux.
Par exemple, la faiblesse du système électoral de la Zambie a donné au président un pouvoir important sur la direction et les finances de la commission. Il n’a pas non plus réussi à définir clairement les règles et procédures électorales clés. Le manque de capacité de gestion a également gêné la commission depuis sa création en 1996.
Notre analyse pour le Ghana suggère que le déclin de l’autonomie des institutions électorales n’est pas le résultat d’une ingérence directe des gouvernements élus. C’est plutôt la polarisation croissante entre les principaux partis politiques qui est devenue le facteur dominant.
Dans les années 1990 et 2000, la Commission électorale du Ghana a établi un consensus bipartisan sur la conduite des élections par l’intermédiaire de comités d’experts. Cependant, ce forum est devenu moins efficace avec le temps. Les désaccords partisans sur les décisions de la commission sont de plus en plus évidents devant les tribunaux et dans les médias.
Les différends sur les procédures électorales et la nomination des commissaires sont devenus politisés. Les partis d’opposition cherchent régulièrement à miner la crédibilité de la commission.
Les contestations judiciaires ont également porté atteinte à la réputation de compétence de la commission. Au fil du temps, cela a eu un impact négatif sur la perception du public et sur l’indépendance opérationnelle des organes électoraux.
Des défis complexes nécessitent des réponses coordonnées
Le recul démocratique continue d’être une préoccupation en Afrique et dans le monde. Cependant, nos recherches montrent que les institutions électorales africaines sont confrontées à de multiples défis. Ce ne sont pas seulement les dirigeants non démocratiques qui limitent l’autonomie et l’efficacité. La faiblesse des cadres juridiques, l’insuffisance des capacités et la polarisation politique jouent également un rôle.
Les nouvelles technologies médiatiques et les urgences sanitaires telles que la pandémie de COVID-19 ajoutent également à la complexité de l’environnement opérationnel.
Il est donc d’autant plus urgent que les instances électorales parviennent à un accord sur l’organisation des élections. Nous devons également améliorer la capacité organisationnelle et la transparence. Les parties prenantes, notamment les décideurs politiques, les partis politiques, la société civile et les médias, doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour promouvoir la transparence électorale.