Un nouveau rapport établi jeudi indique que 32 personnes, dont des journalistes, ont été tuées en 48 heures dans l’incendie du siège de la télévision d’État lors d’affrontements avec des étudiants manifestant contre les quotas de recrutement de la police et de la fonction publique au Bangladesh.
À la fin de cette nouvelle journée de violence, le pays a pratiquement fermé Internet, a annoncé l’organisation de surveillance des réseaux NetBlocks.
Des centaines de manifestants ont maîtrisé la police anti-émeute en utilisant des balles en caoutchouc et ont poursuivi les policiers qui s’étaient réfugiés au siège de BTV, dans la capitale Dacca.
La foule en colère a ensuite incendié la réception de la chaîne de télévision et des dizaines de véhicules garés à l’extérieur, a déclaré à l’AFP un responsable de BTV sous couvert d’anonymat.
Affrontements entre policiers et étudiants protestant contre les quotas de la fonction publique à Dhaka, Bangladesh, le 18 juillet 2024/Munir Uz Zaman/AFP
Le directeur de la gare a indiqué à l’AFP que les employés avaient pu évacuer le bâtiment en toute sécurité.
« L’incendie continue (…). Nos émissions sont temporairement suspendues », a-t-il ajouté.
Le Premier ministre Cheikh Hasina, dans un discours télévisé mercredi, a condamné les « meurtres » de manifestants et a promis que les responsables seraient punis, quelle que soit leur affiliation à un parti.
Mais cela ne suffisait pas. La violence s’est intensifiée lorsque la police a de nouveau tenté de disperser les manifestants à coups de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes.
Affrontements entre policiers et étudiants protestant contre les quotas de la fonction publique à Dhaka, Bangladesh, le 18 juillet 2024/Munir Uz Zaman/AFP
« Tout d’abord, j’exige des excuses de la part du Premier ministre », a déclaré à l’AFP Bidisha Rimjim, une manifestante de 18 ans. « Justice doit être rendue pour nos frères assassinés. »
Au moins 25 personnes, dont des journalistes, ont été tuées et des centaines blessées jeudi, en plus des sept décès signalés en début de semaine, selon un bilan de l’AFP.
Plus des deux tiers de ces décès ont été causés par des armes « non létales » de la police, selon une explication fournie à l’AFP par les hôpitaux.
« C’est comme un dictateur. »
De nouveaux affrontements ont éclaté tout au long de la journée dans plusieurs villes du Bangladesh, la police anti-émeute accusant les manifestants et les manifestants lançant une nouvelle série de barrages humains sur les routes et autoroutes.
Des étudiants protestant contre les quotas de la fonction publique frappent des policiers lors d’affrontements à Dhaka, au Bangladesh, le 18 juillet 2024/Munir Uz Zaman/AFP
Un hélicoptère a secouru 60 policiers coincés sur le toit d’un campus universitaire canadien à la suite de violents affrontements dans la capitale, a annoncé jeudi le Bataillon d’action rapide.
Les corps des trois étudiants et du conducteur du pousse-pousse ont été transportés vers un hôpital de Dacca. « Ils ont été blessés par des balles en caoutchouc », a déclaré à l’AFP Mahfuz Ala Begum, directeur adjoint de l’hôpital Koweït Moitoli.
« Plus de 150 étudiants sont également soignés ici. La plupart ont reçu des balles en caoutchouc dans les yeux. »
« Sept personnes sont mortes ici », a déclaré à l’AFP un responsable de l’hôpital Uttara Crescent de Dhaka, sous couvert d’anonymat. « Les deux premiers étaient des étudiants qui ont été blessés par des balles en caoutchouc. Les cinq autres ont été blessés par balle », a-t-il déclaré.
Affrontements entre policiers et étudiants protestant contre les quotas de la fonction publique à Dhaka, Bangladesh, le 18 juillet 2024/Munir Uz Zaman/AFP
Un millier d’autres personnes ont été hospitalisées en raison de blessures subies lors d’affrontements avec la police, a indiqué le responsable, ajoutant que beaucoup d’entre elles avaient été blessées par des balles en caoutchouc.
Didar Malekin, du média en ligne Dhaka Times, a déclaré à l’AFP que l’un de ses journalistes, Mehedi Hasan, avait été tué alors qu’il couvrait les violences dans la capitale.
D’autres hôpitaux ont également signalé jeudi à l’AFP 14 décès supplémentaires : 10 à Dhaka, deux dans la ville portuaire de Chittagong et deux dans les villes voisines.
Les participants aux manifestations quasi quotidiennes exigent l’abolition du système de quotas. Ils affirment que ce programme bénéficiera aux enfants des organisations soutenant Sheikh Hasina, 76 ans, qui dirige le Bangladesh depuis 2009.
Affrontements entre policiers et étudiants protestant contre les quotas de la fonction publique à Dhaka, Bangladesh, le 18 juillet 2024/Munir Uz Zaman/AFP
Mubashar Hasan, un expert national à l’Université d’Oslo en Norvège, a déclaré que les rassemblements étaient l’expression d’un mécontentement généralisé à l’égard du régime.
Les manifestants « protestaient contre le caractère répressif de l’Etat », a-t-il déclaré à l’AFP. Il pense qu’ils « remettent en question le leadership de Mme Hasina et l’accusent de s’accrocher au pouvoir par la force » et que « les étudiants la traitent en réalité de dictateur ».
Le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue.
« Nous appelons le gouvernement à garantir un environnement propice au dialogue et nous encourageons les manifestants à engager le dialogue pour sortir de l’impasse », a-t-il déclaré aux journalistes. « La violence n’est jamais la solution. »
Contre les « fausses informations »
« Les données en temps réel montrent que le Bangladesh est actuellement affecté par une coupure quasi totale d’Internet », a rapporté Netblocks dans X.
Le groupe a déclaré que cette décision « fait suite à des efforts antérieurs visant à réprimer les médias sociaux et à limiter les services de données mobiles, un outil de communication clé pour les organisateurs de manifestations ».
Les sites Internet des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères, ainsi que ceux des journaux Dhaka Tribune et Daily Star, étaient indisponibles jeudi soir.
Affrontements entre policiers et étudiants protestant contre les quotas de la fonction publique à Dhaka, Bangladesh, le 18 juillet 2024/Munir Uz Zaman/AFP
Le vice-ministre des Télécommunications Zunaid Ahmed Palak a déclaré à l’AFP que le gouvernement avait ordonné la déconnexion du réseau pour éviter « les rumeurs, les mensonges et la désinformation ».
Parallèlement à la répression policière, des manifestants et des étudiants alliés à la Ligue Awami du Premier ministre se sont également affrontés dans les rues à coups de briques et de bambous.
Amnesty International a déclaré que des images des affrontements de cette semaine montraient les forces de sécurité bangladaises utilisant illégalement la force.