L’Echo Tourisme : Après deux années difficiles liées à la crise sanitaire, comment s’est déroulée 2023 pour Royal Caribbean Cruises et Celebrity Cruises en France ?
Emmanuel Joly : Comme l’ensemble du secteur du tourisme, et plus encore celui des croisières, nous avons été fortement touchés par la crise sanitaire. Il faut admettre que 2020 et 2021 ont été des années dévastatrices. Même si nous en avons appris quelque chose de positif, notamment en intégrant de nouveaux processus de santé et de sécurité dans nos opérations. Cependant, notre industrie est résiliente et nous avons repris la croisière dès que possible. C’est à partir de fin 2022 qu’on a assisté à une reprise très intéressante et même structurelle de la fréquentation passagers. Même s’ils ne vendaient pas nécessairement aux prix les plus élevés, leur enthousiasme pour les produits de croisière était évident. Et cette tendance se confirme quasiment en 2023.
Alors les Français ont découvert votre navire ?
Emmanuel Joly : En France, les marques du Groupe (Royal Caribbean, Celebrity Cruises, Azamara Cruises, NDLR) ont attiré 33 % de clients en plus qu’en 2019. Les prix moyens sont similaires à 2019. Je ne vous ai pas donné les chiffres exacts, mais cela signifie : En termes de ventes et de revenus, nous avons réalisé de bien meilleurs résultats qu’avant la pandémie. Même si le marché a encore tendance à réserver à la dernière minute et que les prix sont plus abordables, notamment sur Celebrity Cruises. Même s’il faut rappeler la place occupée par les sociétés du groupe. En Europe, nous ne sommes qu’un challenger secondaire face à des concurrents très établis. Par exemple, en France, elle détient 5 % de part de marché.
Qu’est-ce qui vous différencie des plus grandes entreprises européennes comme MSC et Costa ?
Emmanuel Joly : Notre force réside dans notre large gamme de produits. Nous avons trois marques disponibles. Il y a d’abord Royal Caribbean, le produit familial par excellence. Pour nous, Royal est un grand nom dans ce domaine. La compagnie exploite une flotte de 26 navires, qui sont des destinations à part entière. Celebrity Cruises appartient au segment haut de gamme et est fière des destinations et de la gastronomie qu’elle visite. Une station maritime intimiste où vous pourrez profiter du luxe de la détente. Même si les enfants sont les bienvenus à bord et disposent de leur propre programme d’animation, la marque ne s’adresse pas spécifiquement aux familles. Enfin, Azamara Cruises est une société qui ne possède que quatre bateaux de type boutique-hôtel et propose des croisières plus exotiques en Amazonie, en Afrique du Sud et même au Japon. Nous pensons que trois marques aux concepts complètement différents proposent des produits qui répondent aux attentes des distributeurs.
Une agence de voyages est-elle stratégique pour votre entreprise en France ?
Emmanuel Joly : Le B2B est essentiel pour nous puisqu’il représente plus de 90 % de notre activité. Renouer avec les agents de voyages a été notre priorité au lendemain de la crise sanitaire. Nous avons actuellement des contrats avec environ 2 500 agences de voyages en France. Et c’est là que nous voyons l’avenir. Les agences de voyages en ligne sont devenues encore plus présentes pendant la crise sanitaire, et c’est normal. Mais je pense que la balance va se rééquilibrer. En tout cas, nous travaillons dans ce sens en animant le réseau. Nous avons repris les visites de navires, organisé des webinaires et participé à des salons sectoriels et bien plus encore. Comme nos concurrents, nous participons également à tous les événements importants.
En effet, comment rivaliser avec ces grands concurrents sans disposer des mêmes moyens marketing qu’eux ?
Emmanuel Joly : Notre objectif n’est pas de chercher des parts de marché auprès de ces entreprises, mais de conserver des parts de marché. C’est tout simplement parce que l’offre s’élargit. Chaque compagnie reçoit de nouveaux navires et doit constamment remplir davantage de cabines. En 2023, le nombre de clients augmentera de 33 % et nous maintiendrons une part de marché d’environ 5 %. Nous avons donc un objectif de croissance à deux chiffres pour 2024. Nous n’avons évidemment pas les budgets énormes de nos concurrents. Mais Royal Caribbean Cruises et Celebrity Cruises doivent accroître leur visibilité. Cela fait partie de nos efforts pour l’année prochaine.
Malheureusement, la société n’envisage pas à court terme de déployer des bateaux au départ de Marseille.
Nous ne proposons pas de départs depuis Marseille ou Le Havre, les deux principaux ports de croisière de France. Cela ne va-t-il pas entraver le développement des entreprises ?
Emmanuel Joly : Il faut reconnaître que c’est un frein. Surtout si vous habitez à proximité de ces deux ports majeurs. Pour d’autres, la barrière est avant tout psychologique. Par exemple, un client à Paris n’aura pas beaucoup de difficultés à organiser un départ de Barcelone, ville que les Français connaissent et qui dispose de très bonnes liaisons aériennes. Nous offrons également aux agents de voyages la possibilité de réserver des forfaits comprenant des billets d’avion. Ils ne sont donc pas responsables en cas d’annulations de vols, de grèves de pilotes, etc., car il est de notre responsabilité de trouver une solution d’expédition pour nos clients. Pour ce type de système, vous devez communiquer en B2B. Malheureusement, la société n’envisage pas à court terme de déployer des bateaux depuis Marseille, et encore moins depuis Le Havre.
Quels sont les indicateurs forts pour une offre 2024 ?
Emmanuel Joly : La plus grande nouveauté, c’est bien sûr l’arrivée d’Icon of the Seas. Cela attire beaucoup d’attention car il s’agira du plus grand navire du monde. Il s’agit d’un très bon produit qui sera présenté en décembre à plusieurs distributeurs français sélectionnés en Espagne. Le navire retournera ensuite à Miami et entamera sa première croisière dans les Caraïbes. C’est un produit très apprécié des Français et qui se vend déjà très bien pour 2024, les ventes ont donc déjà commencé pour le deuxième navire de la classe Icon, le Star of the Seas, dont la livraison est prévue en 2025. C’est chose faite. Il recevra également l’Utopia of the Seas et les derniers navires de la classe Oasis construits à Saint-Nazaire. Basés à Port Canaveral, en Floride, nous proposons des mini-croisières parfaites pour les familles visitant les parcs à thème d’Orlando. Enfin, Celebrity Cruises recevra Celebrity Ascent dans les prochaines semaines. Il s’agit d’un produit attractif pour les Français et qui sera implanté en Méditerranée occidentale à l’été 2024.
C’est une amélioration notable de votre capacité…
Emmanuel Joly : Cela prouve que nous pensons toujours que le secteur des croisières peut progresser de manière organique. À mesure que le nombre de navires augmente, le nombre de cabines à vendre augmente également. Mais je ne suis pas inquiet car la politique tarifaire de l’armateur est réaliste. Notre industrie fonctionne selon une formule très simple d’offre et de demande. S’il y a une demande, le prix augmentera. Si les prix baissent, par exemple en raison du pouvoir d’achat, alors les prix baisseront. Cela peut également être considéré comme un investissement. La majorité des nouveaux croisiéristes reviennent de leur première croisière et repartent dans les trois ans. Plus les Français consomment des produits de croisière, plus ils mesurent leur rapport qualité-prix par rapport aux services terrestres. Et nous en bénéficierons encore davantage.
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