En Géorgie, les législateurs ont donné un projet de loi controversé sur « l’influence étrangère » avec 84 voix « pour » et 30 « non » lors de sa troisième et dernière lecture, selon des images diffusées à la télévision publique.
Le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, est déterminé à imposer des mesures restrictives aux ONG et aux médias financés par l’étranger, semblables à celles en vigueur en Russie, où le Kremlin fait taire les voix critiques.
Georgian Dream avait déjà tenté de faire adopter cette loi il y a un an, mais l’avait abandonnée sous la pression de la rue. À la surprise générale, ce document a été remis sur la table en avril.
Seul le format a changé. Le terme agent étranger a été remplacé par « organisation servant les intérêts d’une puissance étrangère ». Mais pour l’essentiel, le texte est resté le même.
Au nom de la transparence, cette loi vise à apposer cette étiquette stigmatisante sur toutes les ONG et médias qui reçoivent plus de 20 % de leurs financements de l’étranger.
En 2023, des manifestations de masse ont contraint le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, à abandonner la première édition de ce texte. Image : Giorgi Arjevanidze/AFP/Getty Images.
Un rêve européen compromis
Cette loi est un copier-coller d’une loi qui existe en Russie depuis plus d’une décennie et qui vise à réprimer la dissidence et la liberté de la presse. Par exemple, les journalistes inscrits au registre des « agents étrangers » doivent le mentionner en majuscules dans chaque publication sur les réseaux sociaux, au risque de payer une forte amende.
Pour Human Rights Watch, ces lois visent à « marginaliser et discréditer les organisations et médias indépendants ».
En Géorgie, les ONG s’inquiètent de « l’effet extrêmement dissuasif sur les organisations et les individus qui s’efforcent de protéger les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit ».
Ces critiques sont reprises par l’Union européenne, qui tente d’éloigner le pays d’une future adhésion.
Si la mobilisation de la rue, notamment des jeunes, est si importante, malgré la répression de certaines manifestations, c’est parce que la majorité des 3,7 millions d’habitants du pays souhaitent adhérer à l’UE.
Bruxelles a accordé le statut de candidat officiel à la Géorgie à la fin de l’année dernière, à condition qu’elle mette en œuvre des réformes clés, notamment en limitant le pouvoir des oligarques.
La controverse entourant le document met également en lumière l’influence de Bidzina Ivanishvili, un riche homme d’affaires considéré comme le leader fantôme de la Géorgie. Image : Shakh Aivazov/AP/DPA/picture Alliance
milliardaire de l’ombre
Car ce sont précisément les hommes d’affaires ultra-riches qui contrôlent le destin de la Géorgie. Bizdina Ivanishvili a fondé le Parti du rêve géorgien et en est le chef honoraire. Sa fortune est estimée à 4,9 milliards de dollars, soit un quart du PIB du pays. Une fortune qu’il a bâtie en Russie, où il a étudié à l’étranger dans les années 1990.
Même si l’ancien Premier ministre Bizdina Ivanishvili, considéré comme le leader de facto du pays, s’est engagé en faveur de l’adhésion de la Géorgie à l’UE d’ici 2030, sa position laisse encore beaucoup de place au doute.
Fin avril, il a défendu la loi controversée en accusant les ONG d’être des « pseudo-élites nourries de l’étranger » et de diffuser de la « propagande LGBT ». Il estime que l’Occident est responsable de l’invasion de la Géorgie par la Russie en 2008 et de l’Ukraine il y a deux ans.
Plus largement, les pays occidentaux deviendront « parties à la guerre mondiale ». Il n’y a rien d’enviable dans la rhétorique diabolisante pratiquée par le Kremlin.