Publié le 2 mai 2022
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Écrit par Charles Boyer.
Qu’est-ce qui régit et motive les relations entre les États en général et la guerre en particulier ?
Cette question est le sujet du livre de John Mearsheimer, The Tragedy of Great Power Politics. Malheureusement, cela n’a pas encore été traduit en français. Néanmoins, ce livre est écrit dans un anglais académique simple, clair et direct, il doit donc être lu par le plus grand nombre. Je ne peux pas le recommander assez.
A noter que depuis la publication de ce livre, John Mearsheimer est devenu célèbre pour avoir dénoncé la défense obstinée des États-Unis envers les États du Moyen-Orient. Il lie sa défense aux actions de groupes de pression, selon lesquels elle est inconstitutionnelle. Les propres intérêts stratégiques de l’Amérique. Les livres dont nous discutons ici et le reste de cette revue ne se concentrent pas sur ce point précis.
Quel est le thème de « La tragédie de la politique des grandes puissances » ?
Cette étude défend le modèle présenté par les auteurs comme ayant une plus grande valeur explicative et prédictive que les modèles concurrents. Les modèles concurrents les plus largement discutés sont, d’une part, le réalisme classique, qui ne considère pas les États comme étant enclins aux attaques et considère la guerre comme ayant des conséquences négatives pour toutes les parties prenantes, et, d’autre part, c’est un principe.
Le libéralisme enseigne que le libre-échange et souvent la démocratie apportent la paix et explique les guerres par la nature perverse des régimes qui les mènent. Nous connaissons la théorie selon laquelle deux véritables démocraties ne se sont jamais déclarées la guerre. Les libéraux réagiront donc négativement à cette théorie. Toutefois, cela ne vous dispense pas de la tâche d’invalidation.
La méthode de ce livre est de passer en revue tous les conflits importants à travers le monde depuis les guerres de la Révolution française jusqu’à la fin du XXe siècle. En ce sens, peu importe qui y pense, cet essai est en ce sens un ouvrage historique fascinant. Cela à lui seul vaut déjà la peine d’être lu.
Le nom que Mearsheimer a donné à son modèle est celui d’un réalisme offensant. De quoi s’agit-il et quels sont ses éléments essentiels ? Ce modèle commence par deux constats. Premièrement, le système des relations internationales entre États est anarchique. Autrement dit, aucun pouvoir n’est exercé contre l’État. En d’autres termes, ils ne suivront pas les instructions des Nations Unies ou d’autres institutions si elles ne correspondent pas à leurs objectifs. Deuxièmement, les intentions de l’État sont inaccessibles aux autres.
Compte tenu de ces circonstances et du fait que l’objectif d’un État est sa propre survie, les États n’ont guère de choix quant aux options qui s’offrent à eux.
Selon Mearsheimer, ces deux constats signifient qu’un pays en situation de grande puissance, ou prêt à devenir une grande puissance, n’a d’autre choix que d’essayer de maximiser cette puissance. Cela suppose, entre autres, qu’ils déclenchent une guerre lorsqu’ils croient pouvoir atteindre cet objectif de maximisation. Pour l’intérêt de la recherche, l’auteur présente un modèle de pouvoir qui semble très suggestif (bien que peut-être aussi parfois dépassé par la technologie militaire). Le pouvoir est défini comme la combinaison de la population et du pouvoir économique.
Mearsheimer ajoute à cela un facteur atténuant : le pouvoir de blocage de l’eau. Traverser la mer nie la possibilité d’une invasion et affecte ainsi les relations entre États et la possibilité d’exercer le pouvoir.
Quelles règles découlent du réalisme agressif ? Voici ce que vous en retirez.
Les grandes puissances ont tendance à vouloir devenir l’hégémon dans leur région. L’histoire de l’Europe du XIXe siècle a donc été en grande partie celle du transfert de cette ambition de la France vers l’Allemagne au fur et à mesure de son intégration croissante. Lorsqu’une hégémonie mondiale émerge, son intérêt stratégique est d’empêcher l’émergence d’hégémons régionaux dans d’autres parties du monde. Notez que c’est la situation actuelle aux États-Unis. Notons également qu’il s’agit là de quelque chose d’unique dans l’histoire, et on peut donc se demander si cette conclusion de Mearsheimer n’est pas simplement une observation du seul cas existant. Ce mécanisme apporte un nouvel éclairage non seulement sur la Seconde Guerre mondiale mais aussi sur l’intervention américaine dans la guerre froide. Les relations sino-américaines actuelles doivent également être analysées sous cet angle. Selon cette théorie, la guerre n’a rien à voir avec la nature des systèmes politiques qui y participent. Par conséquent, la Seconde Guerre mondiale n’était pas une lutte contre le nazisme, ou contre le nazisme et le communisme, etc., mais plutôt une tentative d’une puissance de devenir hégémonique dans cette partie du monde, et la réaction des autres à cette tentative le sera. . . La taille des grandes puissances et la probabilité de l’émergence d’une puissance hégémonique déterminent les alliances entre grandes puissances.
Voici quelques observations et questions importantes découlant de cet article :
La théorie de Huntington sur le choc des civilisations est invalide. Il n’y a pas de tendance à la formation de grands blocs régionaux ou culturels unifiés. La longue période de paix en Europe depuis les deux guerres mondiales n’est pas le résultat du prix Nobel de la paix décerné par l’UE, mais plutôt la combinaison de la présence américaine et du danger nucléaire. Si la théorie de Mearsheimer est exacte, les matches entre les grandes puissances européennes devraient reprendre à un moment donné. Bien que ce livre ait été publié en 2001, nous ne sommes actuellement pas d’accord avec lui sur ce point. Le limogeage du chef des services secrets américains en Allemagne est-il un événement très inhabituel et anecdotique, ou signale-t-il un départ prévisible de l’Alliance atlantique ? Peu importe ce que l’on pense de cette théorie, il semble clair que le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, la suit de très près. Cela explique pourquoi il perçoit l’ouverture de l’Union européenne envers les pays voisins non pas comme un progrès pacifique, mais comme une tentative menaçante de prise de pouvoir. Peu importe ce que l’on pense, il est essentiel de comprendre cette perspective. Appliquer de larges proportions de capitalisme tout en restreignant d’autres libertés, comme la liberté d’expression, par exemple, semble être une stratégie rationnelle pour maximiser le pouvoir du point de vue d’une puissance régionale comme la Chine. Je peux le voir, mais je ne peux pas le revendiquer. avec le contrôle des naissances. Habituez-vous-y. Ainsi, par exemple, la Chine est économiquement plus avancée que l’Inde, mais en termes de population, elle est à la traîne et le solde net reste clairement en faveur de la puissance chinoise. A l’inverse, pour prendre un autre exemple, le contrôle de l’économie russe par les services secrets et leurs alliés ralentit la croissance et ne conduit donc pas à une puissance optimale. Dans le contexte des relations euro-russes, comment un groupe d’États peut-il s’en tenir à un modèle libéral lorsqu’une des grandes puissances (ce qui dans le cas de la Russie est une possibilité immédiate) lance une attaque de flanc ? le réalisme. La conception traditionnelle française de l’Union européenne comme moyen d’étendre sa puissance est-elle vraiment si éloignée de ce que prédit le journal ? Le projet de fédéralisme européen est voué à l’échec – une fois de plus, compte tenu du pouvoir explicatif du réalisme offensif. Quel impact les mesures démographiques telles que le contrôle des naissances ou les politiques de dépeuplement telles que l’exploration du gaz de schiste en France et l’interdiction de la dette ont-elles sur les capacités de défense d’un pays ? À propos du pouvoir ? De même, où est l’enthousiasme des pays européens, qui sont les seuls au monde à mener des politiques qui font augmenter leurs propres coûts énergétiques et handicapent ainsi leurs économies ? Que pensent ceux qui sont stratégiquement responsables de la défense de notre nation de ces déclarations et questions ?
Je n’ai pu fournir ici qu’un aperçu partiel du contenu de « La tragédie de la politique des grandes puissances ». Que l’on soit antipathique ou non, cet ouvrage semble essentiel et peut garantir aux lecteurs un grand enrichissement culturel et intellectuel.
Selon le degré d’exactitude de cet article, ou, à l’inverse, le degré d’erreur, la politique à prioriser et à adopter peut être fondamentalement différente. Il convient donc de lui accorder l’attention qu’elle mérite.
— John J. Mearsheimer, La tragédie de la politique des grandes puissances, WW Norton & Company, 2001, 576 pages.
Article publié pour la première fois : 13 juillet 2014