Dans le domaine de la santé, les données inexploitées représentent une lacune tant pour la recherche que pour les patients. Stéphanie Combs, directrice du Health Data Hub, mettra en avant les avancées concrètes dans l’accès aux données en France et en Europe.
La personne qui prend les décisions. Pouvez-vous nous parler de l’intégration du Health Data Hub dans le projet PariSanté Campus ?
Stéphanie Combs. Le campus Parisante est un centre d’excellence unique en matière de recherche et d’innovation. Récemment, l’HDH s’est intéressée et a contribué au développement d’un programme d’accélération de la prévention numérique à destination des programmes scientifiques des campus et des startups. PSC est également un lieu de promotion d’une culture des données de santé, comme en témoigne Campus live! PSC est également un partenaire clé pour aider les startups à exploiter les données de santé. Il s’agit d’un enjeu important pour HDH. Un quart des 133 projets que nous soutenons concernent des start-up. La première édition de Start-up Connect, hébergée par PSC et HDH en juin 2023 et réunissant plus de 200 acteurs et 115 startups, illustre cette problématique. La deuxième édition de cet événement aura lieu le 4 juillet 2024.
Quelles évolutions constatez-vous concernant les données dans le secteur de la santé ?
L’utilisation de données réelles, reflétant la vie quotidienne, par opposition aux données collectées en laboratoire, constitue une avancée, notamment en matière de surveillance épidémiologique. C’est dans ce contexte que HDH met en œuvre le projet EMC2 en partenariat avec quatre formations sanitaires. Il s’agit du premier entrepôt de données médicales multicentrique contenant des données cliniques liées à la base de données principale du Système National de Données de Santé (SNDS) et standardisées selon un modèle international commun pour faciliter la réutilisation.
« Le développement de ces bases de données permettra de les enrichir et d’élargir leur champ d’application, notamment par croisement avec les données de l’Assurance Maladie. »
Pouvez-vous donner un exemple lié au parcours de soins ?
Un nouvel outil visant à faciliter l’exercice des droits des citoyens concernant leurs données de santé est en cours de développement par le HDH. Pour répondre aux besoins de la société civile, nous combinons les formats numériques avec des portails d’informations pédagogiques sur les données et la recherche en santé.
Qu’en est-il de l’intégration de la technologie de l’IA, notamment dans les dispositifs médicaux ?
L’IA est au cœur du travail de HDH et nous soutenons actuellement 49 initiatives qui exploitent l’IA. De plus, HDH a formé un consortium d’environ 30 entreprises en 2023 dans le but d’accélérer le développement de solutions de traitement automatisé du langage dans le domaine de la santé. Le projet Partages (Advanced Development of Digital Commons for Generative Artificial Intelligence in Health) permet de générer automatiquement des rapports médicaux pour faire gagner du temps aux soignants, entre autres. Ce projet est actuellement à l’étude. Plus récemment, HDH a répondu à un appel à projet de l’Union européenne visant à explorer les possibilités offertes par l’intégration de l’IA dans les dispositifs médicaux, en collaborant avec une vingtaine de partenaires nationaux et européens.
Le rapport annuel 2023 du Health Data Hub montre les progrès réalisés dans la création d’une base de données agrégée. Où est cette initiative ?
La mission de HDH est de contribuer à l’enrichissement du patrimoine de données médicales. La loi d’organisation et de transformation du système de santé de 2019 a élargi le système national de données sur la santé pour utiliser plusieurs sources. Certains sont destinés à être rapportés en HDH pour en faciliter l’utilisation. Une dizaine de ces sources sont déjà répertoriées dans le décret pris à l’été 2022. Une quinzaine d’autres devraient rejoindre cette liste d’ici la fin de l’année.
« L’Espace Européen des Données de Santé (EHDS) nous permet de : […] La fragmentation de ces données, la diversité des modalités de leur utilisation et la diversité des modèles de gouvernance.
Le développement de ces bases de données permettra de les enrichir et d’étendre leur portée, notamment par croisement avec les données de l’assurance maladie. Par exemple, le projet Deep.piste, qui vise à évaluer l’apport de l’IA dans le dépistage systématique du cancer du sein, utilise la base de données e-SIS du CRCDC Occitanie, qui correspond à la base de données principale du SNDS.
Le processus permettant aux chefs de projet d’accéder aux données est décrit comme étant long. Le processus est-il devenu plus facile ?
Point d’accès unique aux données, HDH crée des ressources documentaires et propose des formations visant à guider les prestataires dans des démarches parfois complexes. Pour faciliter l’exploitation des données de santé, le Hub contribue également au déploiement de procédures d’accès simplifiées à la base de données principale du Système National des Données de Santé, en étroite collaboration avec la CNIL.
Parallèlement, un partenariat avec le Cnam a été noué en 2023. L’objectif est d’améliorer la préparation des données de la base de données principale du SNDS ainsi que de réduire les délais de disponibilité des données. Un système d’information visant à industrialiser le croisement des données sera prochainement accessible aux porteurs de projets. Enfin, nous travaillons avec le Comité Stratégique des Données pour harmoniser les règles de partage des données et créer des éléments standardisés tels que des contrats types et des échelles de fidélité susceptibles de raccourcir les délais des contrats, notamment avec les organismes de santé. Un travail de longue haleine est en cours. .
Le 24 avril, le Parlement européen a finalement adopté le règlement européen sur l’espace des données de santé. Quel impact est attendu ?
Le règlement EHDS (European Health Data Space) abordera trois problématiques identifiées au niveau européen concernant l’utilisation des données de santé : la fragmentation des données, la diversité des conditions d’utilisation et les problématiques d’utilisation des données Masu. Diversité des modèles de gouvernance. Pour simplifier l’exploitation de ces données pour la recherche, l’EHDS prévoit des mesures d’harmonisation des conditions d’accès et la création d’une agence nationale dédiée.
Le HDH se mobilise pour anticiper la mise en œuvre du règlement grâce au projet pilote HealthData@EU, qui se coordonne avec 17 acteurs européens. Ses efforts se concentrent spécifiquement sur la première version de l’infrastructure transfrontalière HealthData@EU, qui connecte tous les fournisseurs de données en Europe. L’une de leurs responsabilités est de développer un catalogue de métadonnées pour faciliter la navigation dans les bases de données disponibles.
Propos recueillis par Alexandra Bui et Léa Pierre-Joseph